Thursday 28 June 2012

Au nom des étrangers? (La chronique de Joseph Marat)

28 June 2012 @ 8:05

Amadé Ouremi, le tueur de la forêt classée du Mont Peko (Bangolo et Duekoué)
« Le domaine foncier rural est constitué par l’ensemble des terres mises en valeur ou non et quelle que soit la nature de la mise en valeur. Il constitue un patrimoine national auquel toute personne physique ou morale peut accéder. Toutefois seuls l’Etat, les collectivités publiques et les personnes physiques ivoiriennes sont admises à en être propriétaires » ainsi est stipulé l’article 1 de la loi de 1998 sur le foncier rural. Il en résume l’esprit et toute la volonté politique de protéger le patrimoine foncier rural contre toute prévarication et tous les conflits qui pourraient naitre entre des particuliers disputant son appartenance. Avant toute sa déclinaison qui situe sur toutes les conditionnalités d’appropriation, la loi est claire : la terre appartient à l’Etat. Le particulier qui veut s’en approprier une parcelle doit être ivoirien après avoir rempli évidemment certaines conditions d’acquisition. Cette loi qui met fin à l’hérésie juridique de l’houphouëtisme qui voulait que la terre appartienne à celui qui la met en valeur, a été voté à l’unanimité des députés de la législature de 1998. C’est à cette loi que le gouvernement d’Alassane Ouattara veut, dans une sorte de précipitation douteuse, s’en prendre.
Comment ? Le principal argument qu’il avance contre cette loi est qu’elle pue l’ivoirité. Une loi votée par un parlement ivoirien devrait-elle avoir une odeur autre qu’ivoirienne ? Pourquoi des parlementaires ivoiriens devraient-ils légiférer sur des lois de la CEDEAO ? Au-delà de ces interrogations qui révèlent l’absurdité de la démarche gouvernementale actuelle, il y a toute la problématique des intérêts du peuple ivoirien sur son propre territoire. On comprend, avec ces revendications saugrenues pour des passe-droits à des non-nationaux, que sous le prétexte de l’ivoirité on a fait la guerre aux Ivoiriens rien que parce qu’ils sont Ivoiriens. Puisque le concept mis en cause ici, pour dévoyer une loi nationale, n’a pas d’autre signification que « le fait d’être ivoirien ». En somme, Ouattara et son gouvernement veulent dire que cette loi sur le foncier n’est pas bonne parce qu’elle est ivoirienne. On a fait la guerre à tous les régimes depuis Bédié sous prétexte qu’ils sont ivoiritaires. Les accords de Marcoussis ont obligé la Côte d’ivoire à naturaliser plus de trois millions de burkinabé pour mettre fin à la « xénophobie » des Ivoiriens.
Aujourd’hui on prend à peine des gants pour les spolier de leurs terres. Nous avons cru au départ que les pourfendeurs du concept de l’ivoirité étaient de bonne foi et s’attaquaient à ses formes vicieuses. Nous sommes obligés de nous rendre à l’évidence aujourd’hui que c’est le fait même d’être ivoirien qui est menacé dans toutes les reformes que veut initier Alassane Ouattara. Parce que nulle part il n’existe un chef d’Etat qui soit si engagé à combattre les intérêts de son peuple au profit d’un autre. Un candidat à l’élection présidentielle avait dit que son adversaire était un candidat de l’étranger. Nous étions loin de penser que cela pouvait être aussi vrai au sens propre.

Joseph Marat

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