Tuesday 4 October 2011

CPI- LES JUGES DIVISES SUR LE DOSSIER IVOIRIEN.

Depuis le lundi 3 septembre, la CPI a produit un important communiqué sur le dossier ivoirien. Ce communiqué référencé ICC-CPI-20111003-PR730 a livré l’information selon laquelle «la Chambre préliminaire III de la Cour pénale internationale (CPI) a fait droit à la requête du Procureur aux fins de l’ouverture d’une enquête sur les crimes présumés relavant de la compétence de la Cour, qui auraient été commis en Côte-d’Ivoire depuis le 28 novembre 2010, ainsi que sur les crimes qui pourraient être commis dans le futur dans le contexte de cette situation.». Par cette autorisation, la CPI vient de céder à la demande du Procureur Ocampo, mais à travers lui, à celle des nouvelles autorités d’Abidjan.

Le 3 mai dernier le président Ouattara avait adressé au Procureur de la CPI un courrier référencé N/Réf: 0086/PR dans lequel il lui demandait de mener des enquêtes «indépendantes et impartiales» en Côte d’Ivoire sur les crimes les plus graves commis depuis le 28 novembre 2010, aux fins d’identifier, poursuivre et traduire devant la CPI «les personnes portant la responsabilité pénale la plus lourde pour ces crimes». Par cette décision, la Cour pénale internationale semble avoir balayé du revers de la main la déclaration de reconnaissance du 18 avril 2003 signée par l’État ivoirien. Cette déclaration de reconnaissance dit en substance que «le gouvernement ivoirien reconnaît la compétence de la Cour aux fin d’identifier, de poursuivre, et de juger les auteurs et complices des actes commis sur le territoire ivoirien depuis les évènement du 19 septembre 2003.» Toutefois, la Chambre préliminaire III n’a pas définitivement rayé la période 2002-2010 du dossier ivoirien.

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Elle a formellement manifesté son intention de s’informer sur cette période. Comme le dit le communiqué, «La Chambre préliminaire III (..) a également demandé au Procureur de lui fournir toute information supplémentaire à sa disposition sur des crimes qui pourraient relever potentiellement de la compétence de la Cour et qui auraient été commis entre 2002 et 2010». Est-ce une simple volonté d’information, un piège tendu au Procureur ou une intention de mener des enquêtes sur cette période à partir des informations recueillies? Cette demande des juges pourrait ne pas être une simple volonté d’information. En quête d’informations les juges auraient pu s’adresser l’ ONU( notamment son rapport PRST/ 2004//17 de la Commission d’enquête internationale présidée par le Professeur Gérard Balanda) et aux organisations des droits de l’homme telles que Human Rights Watch et Amnesty International ayant régulièrement produits différents rapports sur les graves crimes commis en Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002.

La demande des juges de la Chambre préliminaire III apparaît plus comme un piège d’éthique judiciaire, tendu au Procureur. Mais en toute évidence, celui-ci n’y tombera pas. Si le Procureur a pu obtenir l’autorisation d’ouvrir son champ d’enquête sur la période postérieure au 28 novembre 2010, c’est sur la base des informations qu’il a pu fournir à la Chambre préliminaire III. Or s’il cède à leur demande en apportant des informations sur la période 2002-2010, il se rendra lui-même peu crédible. Il lui sera reproché de détenir des informations sur des crimes antérieurs au 28 novembre 2010 et de ne demander à enquêter que sur ceux commis après cette date. Dans ce cas, sa démarche pourrait être jugée maladroite, injuste, et sa crédibilité en pâtira. Il ne faut donc pas espérer que le Procureur cède à cette demande, même s’il possède des informations sur la période 2002-2010.

Ou bien les juges ont des preuves des informations détenue par le Procureur sur cette période (2002-2010) et attendent d’éprouver sa sincérité et sa crédibilité à travers leur demande, avant de lui demander d’enquêter sur cette période. Dans ce cas, auront gain de cause ceux qui, à l’instar du COPACI (Courant de pensée et d’Action de Côte d’Ivoire) et des Organisations de défense des droits de l’homme, ont demandé que les enquêtes remontent au 19 septembre 2002 . Dans tous les cas, le Procureur de la CPI est à l’épreuve de sa crédibilité. C’est bien ce que montre la division des juges de la Chambre Préliminaire III. C’est le communiqué précédemment cité qui mentionne clairement cette division sur le dossier ivoirien. «La juge présidente, dit le communiqué, Mme Silvia Fernández de Gurmendi, tout en rejoignant la position majoritaire de la Chambre sur la décision d’autoriser l’ouverture de l’enquête, rendra prochainement une décision séparée partiellement dissidente.» La juge présidente est-elle opposé à toute enquête du Procureur sur le dossier ou au choix de celui-ci de la période devant faire l’objet de son enquête? Il semble que la juge présidente n’est pas absolument opposé à toute enquête du Procureur sur le dossier ivoirien. Sa décision, précise le communiqué, est «partiellement dissidente». Sa dissidence pourrait plus se situer au niveau de la période d’enquête choisie par le Procureur.

Dans tous les cas, cette dissidente de la juge présidente montre bien que la CPI est loin de jouer franc jeu dans le dossier ivoirien et son procureur loin de se montrer crédible.

Les nouvelles autorités d’Abidjan ont inculpé le président Gbagbo pour crimes économiques. Il est cependant curieux de voir l’acharnement qu’elles manifestent de le traduire à la CPI. Cet acharnement pourrait être la preuve que ces autorités ne possèdent aucune preuve de crimes économiques contre le président Gbagbo, mais espèrent son emprisonnement par une CPI aux ordres de l’impérialisme occidental. Gbagbo, une fois en prison loin de territoire ivoirien, ces nouvelles autorités espèrent gouverner en toute quiétude, étant conscientes de sa force de sa nuisance politique s’il recouvre sa liberté.

Pour cette raison, le nouveau régime devrait regretter de ne l’avoir pas assassiné dans le feu de l’action du coup d’État du 11 avril dernier. Gbagbo assassiné ou emprisonné, la vérité pour la majorité des ivoiriens rêvant d’une Côte d’Ivoire démocratique, indépendante, libre et souveraine, est qu’on peut tuer ou emprisonner un combattant, mais pas le combat. Ils se montrent toujours déterminés à mener ce combat en transcendant l’individualité, fût-elle charismatique, du président Gbagbo.

ZEKA TOGUI.

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